Ceci est une entrevue avec le créateur de Transit App, Sam Vermette.
Qu’est que l’application “Transit”, et combien de réseaux de transport couvre-t-elle?
Transit est une application iPhone visant à faciliter l’accès au transport en commun à Montréal et dans 36 autres villes en Amérique du Nord. Ce qui démarque Transit par rapport à ses concurrents, c’est qu’elle nécessite très peu d’interaction afin d’obtenir l’information recherchée. En utilisant la géo-localisation de l’appareil et en affichant l’information de manière simple et visuelle, l’usager a un accès instantané aux horaires de lignes à proximité.
Transit possède également un planificateur de trajet, qui permet de connaître le moyen le plus rapide de voyager du point A ou point B. Étant donné que Transit fonctionne avec plus de 100 sociétés de transport en Amérique du Nord, celui-ci est multimodale et comprend tous les moyens de transport public disponibles. À Montréal par exemple, le planificateur de trajet intègre les bus et le métro de la STM, mais également les trains de banlieue de l’AMT, les sociétés de transport de Laval et Longueuil, ainsi que toutes celles des couronnes nord et sud de l’ile.
Comment est-ce que cette application tire parti des données ouvertes?
Transit est propulsé par les données ouvertes de 102 sociétés de transport, publiées dans le format GTFS (Google Transit Feed Specification, mis sur pied par Google en 2005 afin de faciliter l’échange de données liées au transport en commun: lignes, arrêts, trajets, horaires, etc). Les données sont normalisées (doublons, formatage des noms d’arrêts et trajets) et ensuite importées sur un serveur auquel l’application vient se connecter. Cette infrastructure évite que l’application requiert le téléchargement de données lors de la première utilisation, comme c’est souvent le cas avec les applications de transport en commun.
Transit utilise également les données en temps réel de plus de 40 sociétés de transport, permettant une précision accrue des horaires et de l’emplacement des véhicules. Au Canada, ces données sont disponibles dans la plupart des grandes villes: Toronto, Vancouver, Ottawa, Winnipeg. Malheureusement, au Québec, pour l’instant seul la Société de transport de Laval offre du temps réel aux développeurs. La STM et la RTC ont cependant récemment annoncés que de telles données seraient disponible d’ici quelques années.
Quels sont les principaux défis dans la création d’une entreprise basée sur les données ouvertes?
Le plus grand défie est sans aucun doute de devoir travailler avec les institutions bureaucratiques majeures que sont la plupart des sociétés de transport. Plusieurs d’entre elles saisissent encore mal les enjeux des données ouvertes, et il semble s’agir pour eux d’un simple exercice de relations publiques sans réelle intention d’améliorer l’accessibilité de leur service par le développement d’applications tierces.
Étant donnée que les horaires de transport en commun tendent à changer régulièrement (habituellement 3 ou 4 fois par année), il est fréquent de devoir contacter les société de transport afin qu’elle mettent disponible de nouvelles données à jour. Dans certains cas, on peut attendre jusqu’à un mois ou 2 avant que cela se produise. Pendant ce temps, ce sont les usagers qui subissent les conséquences d’horaires et trajets potentiellement erronés. Et très souvent, celui-ci saisi mal qu’une application de transport en commun n’est pas développé par la dite société de transport, mais utilise simplement les données ouvertes par celle-ci. Dans la plupart des cas, la faute retombe donc sur le développeur qui induit l’usager en erreur à travers son application plutôt que la société de transport qui omet de mettre à jour ses données.
Comment est-ce que les réseaux de transport peuvent encourager la création d’applications?
Plusieurs sociétés de transport doivent tout d’abord mieux saisir l’importance que jouent les applications tierces dans l’accessibilité de leur service. Les plus conservatrices y voient encore une canibalisation de revenues potentiels. Dans les faits, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Si le transport en commun devient plus populaire année après année, c’est entre autres grâce au large éventail d’applications aujourd’hui disponible, qui améliorent l’accessibilité du transport en commun en tant que tel. Encore mieux, ces applications ne coutent absolument rien aux sociétés de transport, si ce n’est que l’ouverture et le maintien des données ouvertes.
Dans cette perspective, le rôle principal de la société de transport devrait être de fournir des données de qualité aux développeurs, afin que ceux-ci puissent développer de bonnes applications communicant des informations justes et à jour. La société de transport doit également ouvrir un canal de communication avec la communauté de développeurs, afin d’être à l’écoute de celle-ci, qui est la mieux placée pour donner du feedback pour l’amélioration de la qualité de ses données.
Des concours et hackathons peuvent également être organisés afin d’inciter et accélérer le développement d’applications utilisant ces données. À un niveau plus avancé, il est également dans l’intérêt d’une société de transport de rendre disponible une charte graphique (couleurs et symboles utilisés pour l’identification de lignes, par exemple) afin d’aider le développeur à concevoir une interface intuitive et consistante avec la signalétique extérieure du réseau.
Est-ce que vous savez si cette application a encouragé des personnes qui n’utilisent pas d’habitude le réseau de transport public à l’utiliser?
Nous recevons régulièrement des commentaires d’usagers ayant reçu leur baptême du transport en commun avec Transit. D’autres évoquent leur appréhension face à la complexité des réseaux de transport en commun, qui s’avère grandement réduite grâce à Transit. Tel que mentionné plus tôt, il va sans dire que les applications mobiles et les données ouvertes en général améliore l’accessibilité d’un service. Dans le cas de Transit, je crois que nous avons réussi à créer une interface simple et attrayante, réduisant au maximum la friction entre l’utilisateur et le transport en commun lui-même.
Puisqu’elle fonctionne dans plusieurs villes, cela permet également un apprivoisement rapide du transport en commun à l’étranger. Plutôt que d’avoir à rechercher, télécharger et apprendre à utiliser une nouvelle application en voyage, Transit permet la même utilisation dans toutes les villes supportées. L’utilisation des couleurs et symboles graphiques, servant de repères avec le monde réel, contribue à la facilité d’apprivoiser l’application.
Avez-vous d’autres commentaires sur les données ouvertes et le monde des applications de transport?
En banlieue comme en ville, le citoyen devrait voir le transport en commun comme une manière intelligente et responsable de voyager. Pour se faire, celui-ci se doit d’être rapide et fiable mais également facilement accessible.
À travers l’ouverture de ses données, une société de transport délègue une partie majeure de la problématique de l’accessibilité du service aux développeurs d’applications. Elle devrait y avoir là une opportunité pour elle de concentrer ses énergies sur l’amélioration de son service en tant que tel (fréquence de passages, rénovation des véhicules, accessibilité aux personnes à mobilité réduire), ce qui répond par le fait même à l’augmentation d’achalandage amenée par les données ouvertes.
Il est grand temps pour toutes les institutions de saisir que l’ouverture des données va au delà du buzz médiatique et de l’intérêt d’une poignée de bidouilleurs; celle-ci amène le développement de nouveaux outils qui améliorent réellement le quotidien de millions de citoyens.